Jean BOURGEOIS est né à Bayonne le 17
octobre 1771. Sa carrière dans la marine commence le jour où il embarque, comme
tant d’autres jeunes fils de marin, comme mousse sur « La
Vigilante », pour un voyage à Saint Pierre et Miquelon, il a tout juste 14
ans, c'est le 19 avril 1785. En 1788 on le retrouve à bord de « La Pétronille »
pour une traversée jusqu'aux Antilles. Le 4 décembre 1789 il est nommé pilote
lamaneur, et c'est à cette occasion qu'il se distingue en sauvant une gabare «
La Moselle » d'un naufrage presque certain. En 1793, la guerre étant déclarée
contre l'Angleterre, il demande du service dans les vaisseaux de l'Etat. Le 1er
frimaire an 3 (21/11/1795) il est nommé aspirant de première classe à bord du «
Sans Culotte » et est envoyé aux Sables d'Olonne. Il commande par intérim le
lougre « L'Angélique », lorsque
le 5 Messidor an 7 (25/6/1800) il capture un corsaire de Jersey « Le Tramway »
armé de quatre canons et monté de vingt hommes d'équipages, le 20 germinal an 9
(11/4/1801) il donne la chasse à un lougre Anglais dans les parages de Noirmoutier,
mais après plusieurs tentatives d'abordage, l'ennemi réussit à s'enfuir avec
plusieurs blessés.
En l'an X (1801-1802) il revient à Bayonne
et est nommé Pilote Major le 21 nivôse an X. En 1808 à l'occasion du
séjour Bayonnais de Napoléon, c'est Jean Bourgeois qui accompagne l'Empereur
lors de ses visites sur L'Adour. Il lui fait ainsi visiter les défenses de la
Barre et le conduit à bord de son canot inspecter certains navires en partance.
En montant au « Pey » pour apercevoir l'Adour, La Barre et ses défenses,
peut-être laissa-t-il l'empereur abreuver son cheval à la fontaine de la maison
Dulos, et l'emmena-t-il manger une collation dans sa maison du Pittaré.
Toujours est-il que la venue de Napoléon sera bénéfique à Bourgeois. Il lui
sera concédé gratuitement (pour 1 franc symbolique) 50 hectares de dunes situés
au territoire de Tarnos, au plan annexé au décret rendu à Bayonne le 12 juillet
1808 :
« Le
sieur Bourgeois s’engage d'en faire des semis à ses frais dans le délai de deux
années suivant le procédé de Brémontier, ingénieur divisionnaire des Ponts et Chaussées et d'entretenir la plantation en
bon état, cette concession fut acquittée au droit fixe de un franc. »
Il s'agit de la Grande et de la petite
Baye. Le 19 juillet 1808 il est nommé lieutenant de vaisseau. Il restera chargé de la direction du
pilotage de la Barre et remplira les fonctions de chef des mouvements dans le
port de Bayonne.
Le 21 décembre 1813, Jean Bourgeois
organise et participe au sauvetage de « la diligence de Scotland » brick anglais,
transport de troupes qui est en train de sombrer au large d'Ondres. Son plus
grand titre de gloire est surtout sa tentative d'enlèvement de Wellington, chef
des troupes Alliés. En 1813 les troupes anglaises encerclent Bayonne, qui
résiste. Or, il est capital pour Wellington de faire traverser l'Adour à ses
troupes, il décide donc, ne pouvant utiliser celui de Bayonne, de construire un
pont traversant l'Adour à l'endroit où elle est la plus étroite derrière Blancpignon. Il faut dire que
l'embouchure n'ayant pas été entretenu pendant la Révolution et l'Empire,
l'Adour se jetait 1200 mètres plus au sud, au niveau de la plage des Cavaliers.
Le 22 janvier au matin, Jean Bourgeois apprend par un de ses espions que
Wellington doit venir à Anglet pour choisir l'endroit idéal pour la
construction du pont de bateaux, aussitôt il sollicite l'autorisation de son
chef supérieur Badeigt-Laborde pour organiser une embuscade, afin de capturer
Wellington. La réponse se fait attendre et lui parvient trop tard, le 24
janvier avec interdiction de tenter une embuscade. Le même jour, l’informateur
de Jean Bourgeois le prévient que Wellington doit procéder à une nouvelle
inspection. Il décide donc de monter son opération, sans l'aval de ses chefs,
il organise son embuscade qui est prête de réussir, mais des observateurs
français placés sur la Cathédrale de Bayonne pour observer les mouvements de
l'ennemi, préviennent le général Thouvenot, commandant la place de Bayonne, de
l'embuscade de Bourgeois. Thouvenot décide de faire intervenir un officier d'un
avant-poste français d'Anglet qui parlemente avec Wellington et celui-ci fait demi-tour.
Le 23 février le pont est déjà construit, des anglais ont commencé à envahir la
rive droite. Bourgeois décide le tout pour le tout et avec les canonnières dont
il dispose, il essaye de contrecarrer l'invasion de son village, mais la
canonnière dont il a le commandement, ainsi que 5 autres sont coulés au large
de l'abbaye de Saint Bernard. Il essayera encore de faire brûler le pont avec
les canonnières restantes, mais se sera peine perdue. Les troupes alliées
envahissent Boucau, qui avait été dégarni de ses troupes par Thouvenot quelques
semaines auparavant. Le chef du dispositif anglais Hope, comble de l'ironie
établira son quartier général dans la maison de Bourgeois (Pittaré).
Villa Thérèse ancienne maison de Jean Bourgeois construite en 1807 |
Après les cent jours et la chute de
l'Empire, Jean Bourgeois fut inquiété pour ses prises de position
bonapartistes. Ainsi le 8 août 1815 Bouheben, faisant fonction de maire de
Tarnos, le dénonce aux autorités comme anti-royaliste. Voici l'extrait des
délibérations et procès-verbaux de la
ville de Tarnos :
« Le
huitième du mois d'août 1815, nous maire de la commune de Tarnos ayant été
instruit par la clameur publique que Monsieur Bourgeois, lieutenant de
vaisseau, directeur du pilotage de la Barre, chevalier de la légion d 'Honneur,
avait fait enterrer sur la hauteur de sa vigne, un homme de paille représentant
le buste de Louis XVIII et sur lequel on avait jeté des pommes de terre et que
cet enterrement avait été exécuté par Jacques Paylan, ouvrier dudit sieur
Bourgeois travaillant à sa vigne. Sur quoi nous maire désirant connaitre la
vérité de ce bruit public qui était un grand mépris pour l‘auguste personne du
Roi, avons fait comparaitre devant nous ledit Paylan... » (Archives communales de Tarnos, registre des délibérations)
On comprend qu'après cet incident, le 20
novembre 1815 Jean Bourgeois soit démis de son poste de Pilote Major. Son
successeur n'est autre que Pierre Sallenave fils d'Arnaud, auquel Jean
Bourgeois avait succédé.
Le 28 mars 1830 Jean Bourgeois sauve 8
hommes occupés à sonder la Barre. Le vent tourne, avec le changement de régime
et l'arrivée au pouvoir de Louis Philippe. Le 27 août 1830 Pierre Sallenave est
à son tour démis de ses fonctions et Jean Bourgeois retrouve son poste de
Pilote Major le 29 août de la même année. Un an plus tard il est atteint par la
limite d'âge et admis à la retraite. Le 18 septembre 1831, il est élu au
conseil municipal de Tarnos. Il en fera d'ailleurs
régulièrement parti jusqu'à son décès survenu à Tarnos, quartier du Boucau dans
sa maison de Pittaré le 16/1/1847.
Il s'était marié deux fois. La première à
Bayonne le 13 mai 1793 avec Marie Gracieuse COMBES née à Bayonne le 9/10/1774
(fille de Jean Combes pilote et de Marguerite Bouheben). Un testament fait par
Jean Bourgeois devant maître Dhiriart notaire le 25 ventôse an 13 (16/3/1805)
nous apprend que Marie Combes est décédée sans postérité. Jean Bourgeois
convole en secondes noces avec Henriette Eulalie GEINDREAU aux Sables d'Olonne
le 28 Pluviose an 10 (17/2/1802), elle est décédée au Boucau le 29/3/1867.
La place de la gare de Boucau portera le nom de Jean Bourgeois jusqu'en 1945, date à laquelle on lui donnera le nom de Pierre Semard.
Sources: AD 40; documentation personnelle; Délibérations du CM de Tarnos (1815); Etat-civil: Bayonne, Tarnos et Boucau
Belle biographie! Félicitation. J'en déduis qu'il n'a pas eu d'enfant? Reste-t-il à Boucau un endroit à sa mémoire svp?
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire, sa descendance est éteinte, mais il reste encore à Boucau: Le bâtiment de la Poste (qui était sa résidence principale) et la fontaine du Pitarré (j'en ai fait un article dans mon blog attrapemémoire https://attrapememoire.blogspot.com/2019/11/fontaine-de-pitarre.html
SupprimerQuelle magnifique histoire de l'homme qui a failli tué Wellington à Blancpignon ! Je suis guide-conférencier à Bayonne mais j'habite à Boucau et je suis fasciné par le parcour de Jean Bourgeois qui mérite d'être mieux connu..pourquoi pas , un jour, une plaque contre le bâtiment de la Poste ! Je regrette, vivement, de n'avoir pas remarqué la conférence en 2016....Merci beaucoup pour l'article en tout cas, Andy Fisher
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